Design d’expérience

Retour sur les UX Days : Lumière sur les Dark Patterns

by Manou Boualam 13 juillet 2021

Du 7 au 11 juin dernier ont eu lieu les UX Days, l’événement international francophone incontournable dédié à l’expérience utilisateur, avec des ateliers pratiques et des conférences inspirantes. J’ai notamment pu assister à beaucoup d’entre elles dont une intitulée “Lumière sur les Dark Patterns”.

Les dark patterns sont des pratiques de design d’interface conçues pour tromper ou manipuler son utilisateur. Elles sont considérées comme non éthiques et poussent l’utilisateur à des actions non volontaires : elles peuvent provoquer un achat ou l’ajout d’un service complémentaire dans un panier par exemple et ce de manière totalement indépendante à la volonté de l’utilisateur.

Quelques exemples de Dark Patterns

Pour comprendre réellement ce que sont les Dark Patterns, j’ai choisi de prendre plusieurs exemples parlants.

Par exemple, sur ce site de réservation d’hôtels, quelques éléments potentiellement manipulateurs sont mis en avant : la mention « “Plus que 6 hébergements à ce prix sur notre site” ainsi que le prix barré sont des signaux d’indication de rareté qui provoquent chez l’utilisateur un sentiment d’urgence, ce qui peut dans ce cas engendrer une réservation précipitée.

screen UX Days

 

Les Darks Patterns sont des éléments de design de l’interface qui incitent les utilisateurs à prendre des décisions qui profitent au fournisseur du service, mais pas nécessairement aux utilisateurs.

5 stratégies de Dark Patterns

  • Le nagging ou « harcèlement »: il s’agit d’une réorientation mineure de la fonctionnalité attendue, qui se manifeste souvent par une intrusion répétée au cours d’une interaction normale, où la tâche souhaitée par l’utilisateur est interrompue par d’autres tâches qui ne sont pas directement liées à celle sur laquelle l’utilisateur se concentre. Cela peut inclure des fenêtres pop-up qui obscurcissent l’interface, des messages audio qui distraient l’utilisateur, ou d’autres actions qui obstruent ou redirigent l’attention de l’utilisateur. Par exemple, Amazon vous demande d’adhérer à son abonnement à chaque finalisation d’achat.
  • L’obstruction :  c’est une technique visant à rendre un processus plus difficile qu’il ne doit l’être, dans le but de dissuader certaines actions. Il peut s’agir par exemple de cacher les termes et conditions d’offres promotionnelles, ou de rendre le processus de désinscription d’une newsletter complexe.
  • Le sneaking : cette technique consiste à tenter de cacher, déguiser ou retarder la divulgation d’informations pertinentes pour l’utilisateur. Cela a souvent pour but d’obliger l’utilisateur à effectuer une action à laquelle il pourrait s’opposer s’il en avait connaissance : coûts supplémentaires non divulgués, effets non désirés d’une action particulière…
  • L’interface interference : c’est lorsqu’une option est mieux mise en avant que son alternative afin que l’utilisateur se dirige vers le choix profitant au fournisseur du service.
  • Le forced action : il s’agit d’obliger l’utilisateur à effectuer une certaine action pour accéder (ou continuer à accéder) à certaines fonctionnalités.

Les acteurs qui mettent en place des dark patterns espèrent davantage gagner notre attention ou plutôt profiter de notre inattention pour générer de la valeur à travers l’utilisation de tous leurs services et de toutes leurs fonctionnalités. Ces pratiques sont évidemment motivées par l’argent, mais aussi par la récupération de nos données personnelles grâce auxquelles ils prennent connaissance de notre profil, de nos intérêts, de nos habitudes de consommation pour ainsi mieux influencer nos actions.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Bien souvent, les concepteurs à l’origine d’un Dark Pattern ne visent pas à faire du mal aux utilisateurs, au contraire, leurs intentions sont plutôt bonnes :

  • Améliorer l’expérience utilisateur : en rangeant par exemple les termes et conditions dans une sous-étape, les concepteurs pensent fluidifier l’expérience utilisateur. Cependant, même si la volonté de rendre la navigation plus fluide est réelle, cette pratique répond le plus souvent à une véritable stratégie :  l’entreprise est sûre d’obtenir le consentement de l’utilisateur concernant la récupération et l’exploitation de ses données car bien souvent ce dernier passera à côté de la partie « termes et conditions ».
  • Faire profiter les utilisateurs des meilleures offres en temps réel : afficher le nombre d’exemplaire en stock d’un produit donné peut être pertinent et utile pour l’utilisateur mais encore faut-il que information soit vraie. Hors, dans plusieurs cas, il a été démontré que ce n’était pas de vraies données.
  • Adopter des standards pour assurer une bonne ergonomie : une interface utilisateur suivant les standards est souvent plus simple à aborder. En répliquant des architectures d’information connues, ou encore des kits UI employés par les grands du marché, on s’assure que l’utilisateur trouve facilement son chemin. Cependant, ce n’est évidemment pas parce que la majorité des sites adoptent une seule et même architecture que celle-ci est légale ou éthiquement correcte.

Ces intentions sont légitimes, le diable est dans les détails.

L’utilisateur face aux Dark Patterns

D’après une étude de Kerstin Bonchard-Blanchy

Bien que les utilisateurs ne savent pas si les dark patterns représentent une vraie menace pour eux, ils sont plutôt conscients des tentatives de manipulation déployées sur beaucoup de sites internet, et sont capables de reconnaitre la plupart d’entre elles. Les jeunes utilisateurs mais aussi ceux disposant d’un niveau d’éducation supérieur au BAC sont positivement corrélés à cette capacité, et sont de ce fait légèrement moins susceptibles d’être influencés.

C’est pourquoi, l’utilisation des Dark Patterns peut avoir des répercussions négatives sur la confiance des utilisateurs en ces entreprises car ils ont pleinement conscience de ce qui est fait, et de la stratégie mesquine qui est mise en place. Ainsi, si vous n’avez pas le monopole sur un marché tel que Google ou encore Amazon, et que les internautes peuvent facilement trouver une alternative, vous risquez alors de compromettre la fidélité de vos utilisateurs. Et quand bien même vous auriez le monopole tel que Google ou Amazon, avez-vous vraiment besoin de mettre en place de telles stratégies ? Que deviendra notre espace numérique si tout le monde en abuse ?

Manou Boualam

Manou Boualam

UI Developer, Manou a un rôle qui établit un pont entre l'équipe design et les équipes de développement. Ce qui lui permet de marier au mieux les attentes en termes de design aux contraintes techniques.

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